Dans ce nouveau format je m’essaierai chaque mois à vous présenter un concept ou une notion méconnue de psychologie qui pourtant est très présente dans votre quotidien, pour ce premier article j’ouvre le bal avec un concept “en vogue” : la neurodiversité.

Lexique 

  • TSA : Trouble du Spectre Autistique
  • TDA(H) : Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité

La neurodiversité, d’où ça vient ?

Le terme fait son apparition pour la première fois dans les années 90 dans une thèse de Judy Singer, une psychologue et sociologue australienne. Celui-ci a été développé et popularisé comme une réponse aux théories psychiatriques dominantes, notamment l’approche biomédicale des troubles selon lesquelles certains troubles neurodéveloppementaux comme l’autisme ou le trouble de l’attention seraient intrinsèquement pathologiques ou vu comme des tares. Les personnes ayant cette condition étaient considérées comme des handicapés à vie que l’on devra soigner et non pas comme des individus différents, mais tout aussi dignes.

Le terme neurodiversité se base sur une approche différente de la vision traditionnelle que j’ai décrite ci-dessus. Dans le modèle social du handicap (auquel je consacrerai un article plus tard), dans ce modèle, ce sont les défauts d’adaptation de la société, notamment au niveau des mesures ou des conditions de vie qu’elle met en place, ses barrières sociétales, qui déterminent si une personne sera vue comme handicapée ou non. Le handicap d’une personne se pose alors par rapport à un fonctionnement relatif à ses conditions de vie dans un contexte donné (époque, contexte socio-culturel, économique, etc.) et non pas comme un problème essentialiste, c’est-à-dire inhérent à la personne elle-même.

Si le nom de ce modèle n’est pas très connu, il est pourtant appliqué naturellement par la plupart des gens dans la vie de tous les jours. En effet, on ne considère pas les personnes avec des lunettes par exemple comme handicapée à cause de problèmes de vue (qui touchent pourtant une personne sur trois), le port de lunettes permet ici de gommer les problèmes d’adaptation et offre à tous la même possibilité d’épanouissement et d’opportunités dans la vie.

Cette théorie est à la base du terme de neurodiversité et a été repris par les mouvements de défense du droit des personnes autistes. Ces militants proposent une vision du trouble comme une “façon d’être” plutôt qu’une tare, on retrouvera notamment cette idée dans le discours de Jim Sinclair de 1993 “Don’t mourn for us/Ne pleurez pas pour nous” avant que leurs idées ne se diffusent dans le monde entier notamment grâce à l’apport de l’internet et des réseaux sociaux.


La neurodiversité, qu’est-ce que c’est ?

L’idée derrière la neurodiversité, c’est le pluralisme neurologique, c’est-à-dire l’idée que le fonctionnement cognitif et psychologique chez l’humain n’est pas quelque chose d’uniforme et varie en fonction des individus. Contrairement aux idées reçues, votre voisin ne pense très probablement pas comme vous, que ce soit dans sa manière de percevoir le monde, de ressentir ou de penser. Ces différences pouvant se cumuler et aboutir à un fonctionnement radicalement divergent. Ces différences de fonctionnement se placent sur un spectre, avec des fonctionnements cognitifs “communs” c’est-à-dire que l’on retrouve plus fréquemment dans la population, souvent regroupés sous le terme “neurotypique” et des configurations plus rares par rapport à cette même norme, les “neuroatypiques” dont font parties les personnes ayant un TSA.

Mais la neurodiversité ne comprend pas que les personnes autistes, mais aussi énormément d’autres : celles ayant un trouble neurodéveloppemental ou un trouble neurologique comme les personnes ayant un TSA, un TDAH, un trouble “DYS” comme la dyslexie ou la dyspraxie, les personnes souffrant de schizophrénie ou encore certains troubles mentaux comme la bipolarité ou des troubles de la personnalité (cette liste est non exhaustive).

Les défenseurs de la neurodiversité dénoncent le fait que la communauté médicale et la société plus généralement considère le TSA, le TDAH, les troubles DYS et d’autres troubles du développement neurologique comme un fonctionnement nécessitant une adaptation à celle-ci ou une intervention médicale et psychologique pour les “guérir” ou les “réparer”. Le mouvement pour la neurodiversité encourage plutôt une acceptation de la diversité humaine au niveau de son fonctionnement cognitif et psychologique et la création de systèmes de soutien tels que des services d’inclusion et d’aide à l’emploi, des aménagements, des technologies de communication et d’assistance, le droit à la formation professionnelle et à une vie autonome. L’intention est que ces personnes reçoivent un soutien qui soit en accord avec nos valeurs humanistes et qui honore et célèbre toutes les formes de la diversité humaine, dans l’expression ou l’être plutôt que d’en avoir une vision restreinte et les contraindre à adopter les idées normatives d’une société ou la conformité à un idéal clinique.

Je considère que l’approche est plutôt prometteuse, les études montrent que reformuler la neurodiversité non pas en tant que trouble mais en tant qu’état de fait indissociable de la personne, avec ses avantages et ses inconvénients conduit à une meilleure estime de soi et une plus grande confiance en ses capacités pour les personnes présentant un trouble psy.
Non seulement cette approche pour moi est plus pertinente, chaque trouble ayant aussi ses dons, le TDAH étant par exemple associé à une grande créativité et une plus grande capacité d’adaptation, mais elle permet à l’individu de se construire avec une identité positive, complexe et de sortir d’une vision uniquement pathologisante et négative de soi. Chaque personne, qu’elle soit « typique » ou non contribue au fonctionnement harmonieux de la société en lui apportant des talents et compétences qui lui sont propres, la neurodiversité est une chance pour tous !


Si le concept de neurodiversité a aussi ses problèmes, notamment quand il est utilisé de manière excessive ou large en oubliant que certains troubles, dans les cas les plus extrêmes ne sont pas dus à la société et que certains individus n’auront pas les capacités d’adaptation pour une vie autonome même avec des aménagements par exemple dans le cas d’un retard mental trop important. Le combat pour moi me semble juste, pertinent et plutôt d’actualité. Les personnes neurodiverses demandent simplement le droit à une vie professionnelle et sociale autonome, digne et non stigmatisée. Chaque individu a droit au respect et à être considéré de manière bienveillante et positive.

Pour aller plus loin 

  • « Neuro-tribus : autisme, un plaidoyer pour la diversité » de Steve Silberman, une série de portraits biographiques racontant l’histoire de l’autisme et de la lutte pour leurs droits.
  • « Un anthropologue sur mars » d’Oliver Sacks qui raconte le parcours brillant d’une autiste de haut niveau, Temple Grandin.

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